La chapelle des Vignes a été érigée en 1875 en l’honneur de Notre-Dame de Lourdes par la volonté d’un couple d’habitants du village.
Longtemps destination d’une procession religieuse à l’occasion du 15 août et toujours lieu cultuel, elle est devenue peu à peu l’icône de la commune de Marange-Silvange.


HISTOIRE

Jean Pierre Hacquard (1822-1885) était un homme du terroir, Marangeois par son père et Pierrevillois par sa mère. Marie Victoire Thomas (1825-1895), fille du meunier de Jailly, comptait parmi ses aïeux des habitants du lieu et d’autres venant des moulins alentour. Ils se sont mariés en 1853, secondes noces pour lui, veuf d’un très court premier mariage. Ensemble, ils ont exercé la profession de commerçants (épiciers en détail, boulangers, aubergistes). Le couple n’a pas eu de descendance.

C’est en 1875 qu’ils décident d’ériger cette petite chapelle « en l’honneur de Notre-Dame de Lourdes, en reconnaissance des grâces spéciales reçues par son intercession ».

Le projet est rapidement réalisé. Le 10 mars, le maire Jean Baptiste Lorrette approuve le plan tracé par l’instituteur Émile Dedon, greffier de la commune. Le 28 avril, la construction est officiellement autorisée par M. Robert Viktor von Puttkamer, président du Bezirk Lothringen de l’Alsace-Lorraine (district de Lorraine, Marange est alors allemande). Les travaux sont exécutés par MM. Pierson, Détroit et Martin fils. Le 7 août, le couple fondateur accompagné de plusieurs parents dépose dans la chapelle achevée une statue de la Vierge Marie. Puis le 7 octobre 1877, fête de Notre-Dame du Saint-Rosaire, l’abbé Jean Hubert Bastien, curé de la paroisse, bénit la chapelle avec l’autorisation de Monseigneur Dupont des Loges, évêque de Metz.

En 1964, un clocher y est ajouté, copie en miniature de celui de l’église, réalisé par Henri Deutsch, ancien de la paroisse.



La chapelle avant 1964 (Archives départementales de la Moselle 18J148)





Célébration à l’occasion de la fête de la Vigne en septembre 1989, abbé Bouvier (photo coll. Mme Keller)


Statue de la Vierge entraperçue derrière les barreaux de la porte (photo fln avril 2024)




CONTEXTE

Les racines du culte de la Vierge Marie sont anciennes. Les chrétiens la priaient et demandaient son intercession au moment du jugement dernier. En 1670, une confrérie du Mont Carmel avait été établie à Marange. La notoriété de cet ordre religieux, qui construisait alors son église de Metz (l’actuel entrée du musée de la Cour d’Or) reposait sur la tradition selon laquelle la Vierge serait apparue en 1251 au Supérieur général de l’Ordre et aurait assuré de sa protection ceux qui portent le scapulaire, vêtement commun des moines ; un deuxième privilège limitait leur temps de purgatoire au samedi suivant leur mort. En se pliant à quelques règles de vie, en particulier la récitation quotidienne du Petit office de la Sainte Vierge, et surtout en portant ce scapulaire, les Marangeois membres de la confrérie bénéficiaient de ces privilèges au même titre que les membres de l’ordre. La confrérie tirait ses revenus des quêtes et célébrait une messe hebdomadaire et à l’occasion du décès des confrères.

La dévotion envers Notre-Dame de Lourdes s’inscrit donc dans une continuité : une autre apparition, cette fois à une adolescente pyrénéenne en 1858 ; mais un espoir autre cette fois, celui de la guérison ici-bas grâce à l’eau d’une source miraculeuse. La même ferveur pour Marie que les Marangeois célèbrent chaque année le dimanche qui suit sa Nativité (8 septembre), en plus de la fête patronale (le dimanche qui suit la Saint Clément, patron de l’église). Précisons que le contexte historique particulièrement agité est alors favorable à cette ferveur :
– les tensions politico-religieuses issues de la Révolution sont encore présentes ;
– les épidémies font des ravages : le choléra en 1855 et 1866, suivi de la fièvre typhoïde ;
– conséquence de ces épidémies, la création d’un nouveau cimetière et l’éloignement des morts, bouleversement dont nous ne saurions évaluer aujourd’hui le ressenti pour les familles ;
– les terribles combats d’août 1870 qui se déroulent à quelques kilomètres sur le plateau ; les cris de souffrance et l’odeur de la mort qui se propagent dans les hôpitaux de campagne présents dans le village ;
– le passage des soldats, les réquisitions de vin, de nourriture et de foin, les dégâts causés aux propriétés ;
– les conséquences de cette guerre : pour la France, la fin du Second Empire et le retour de la République, mais pour les Marangeois mosellans, c’est l’annexion à l’Allemagne et la soumission à l’empire de Guillaume II.
Il est vrai que la dévotion a été rapide et immense, le département de la Moselle étant celui qui a vu le plus grand nombre de répliques de la grotte de Lourdes (les chapelles sont moins nombreuses). Cependant, rien ne nous autorise à extrapoler sur les motivations personnelles du couple marangeois.

À la fin du 20e siècle, une procession de fidèles se rendait encore jusqu’à la chapelle à l’occasion de L’Assomption de la Vierge Marie. On pouvait lire dans le bulletin paroissial de septembre-octobre 1964 : « Le 15 août eut lieu le traditionnel pèlerinage à Notre-Dame des Vignes. Une foule recueillie alla implorer ou honorer la bonne Vierge, tandis que la cloche dans son nouveau clocher égrenait sa note grêle. »

Le nom a évolué au cours du temps : chapelle Notre-Dame de Lourdes, chapelle Notre-Dame des Vignes (1959), et plus simplement chapelle des Vignes (1980). Toujours lieu à valeur cultuelle, elle est aussi devenue au fil du temps le repère patrimonial de Marange-Silvange, le rendez-vous des artistes et l’emblème du vignoble renaissant. En février 2024, le conseil municipal a décidé de l’intégrer au domaine communal, ce qui assurera dans l’avenir sa protection et son entretien.

La chapelle des Vignes fêtera ses cent cinquante ans l’année prochaine.

 

 

 






DESCRIPTION

La chapelle est un petit bâtiment pratiquement carré d’environ 2,70 mètres de côté, d’une hauteur de 3 mètres du seuil à la panne faîtière, moins à l’arrière en raison de la pente.
Elle a été construite en pierre de Jaumont. Les murs autrefois crépis sont aujourd’hui en pierre apparente. La porte au linteau en arc surbaissé porte le millésime 1875.
Les pignons sont percés d’un oculus quadrilobé taillé d’un seul tenant, chanfreiné et entouré d’une moulure circulaire pour celui de devant, plus simple à l’arrière.
Le toit couvert de tuiles rouges a connu autrefois une couverture de tôles. Le clocher est en métal.



(Photo fln janvier 2024)





LA CHAPELLE DES VIGNES, LA BIEN-AIMÉE DES ARTISTES





1-Dessin de M. Bernard Schuck édité par le foyer socio-éducatif du Collège de Marange-Silvange
3-Photo de Pierre Lehmann (2017)-2
4-Aquarelle de René Mogé (années 1990)
5-Photo de M. Gasparella, La comète de Hale-Bopp le 1er mars 1997
6-Photo de François Lanvin, la chapelle des Vignes dans le sentier des lanternes (2021)
7-Dessin de Jean Elenas (1998)
dessin8

La chapelle des Vignes, la bien-aimée des artistes. De gauche à droite et de haut en bas :

1. Dessin de M. Bernard Schuck édité par le foyer socio-éducatif du Collège de Marange-Silvange
2. Aquarelle de Jean Baumgarten (1994) éditée par le CMHL
3. Photo de Pierre Lehmann (2017)
4. Aquarelle de René Mogé (années 1990)
5. Photo de M. Gasparella : La comète de Hale-Bopp le 1er mars 1997
6. Photo de François Lanvin, la chapelle des Vignes dans le sentier des lanternes (2021)
7. Dessin de Jean Elenas (1998)
8. Photo de Pierre Lehmann (2017)

SOURCES :

– Archives départementales de la Moselle.
– Archives du conseil de fabrique de l’église de Marange-Silvange.
– Le Lien paroissial (bulletin de la paroisse de Marange-Silvange).

ARTICLE PARU DANS LES CAHIERS DU BILLERON (pour mémoire) :

« La Chapelle des vignes », Serge Dardard, CB n°4, 1996 (article, 4 pages).

 

Club Marangeois d’Histoire Locale / François Noiré / 6 juin 2024